En célébrant le 5 juillet au moment où il persécute l'engagement, le pouvoir fait preuve de la plus grande indécence. Sous Abdelmadjid Tebboune le patriotisme ne se conjugue plus avec la résistance mais avec la répression.
Comble de la perversion, lors de l'arrestation de Fethi Ghares, coordinateur national du MDS, la police a saisi un portrait d'Abane Ramdane durant la perquisition de son domicile. C'est certainement une preuve à charge devant étayer l'accusation qu'il agit en pouvant porter atteinte à l'intérêt national, à l'unité nationale et à l'ordre public, raison pour laquelle il a été placé sous mandat de dépôt.
C'est ainsi que le jour de l'indépendance, Fethi Ghares se retrouve en détention pour avoir exprimé son opinion en toute franchise, refusant ainsi de tresser des lauriers à un pouvoir illégitime.
En l'envoyant s'expliquer devant un juge, le pouvoir n'exige pas seulement du dirigeant du MDS de se taire et qu'il abandonne son rôle d'opposant, mais aussi qu'il renonce à l'Algérie pour laquelle se sont sacrifiés les martyrs aux yeux desquels indépendance et liberté se confondaient.
Et alors que Fethi Ghares oeuvre à féconder le patriotisme par la démocratie, le pouvoir sépare l'État et la Nation, en se proclamant légitime quelque soit le taux de participation aux législatives, oppose les libertés individuelles et collectives à l'unité nationale, en assimilant l'opposition au délit d'opinion.
Le pouvoir a décidé de se réfugier dans l'illusion et ne supporte donc pas le retour permanent à la réalité, par la critique et le rappel de son incompétence à affronter les défis auxquels sont confrontés les algériens, y compris dans leur quotidien fait de coupures d'eau.
Dans le déni le plus absurde, le pouvoir célèbre donc l'indépendance à l'occasion d'activités protocolaires consacrées à sa propre gloire. Il espère néanmoins masquer son hostilité aux libertés en relâchant quelques activistes du hirak, quand c'est la libération de tous les détenus d'opinion, dont Fethi Gares et Ouahid Benhalla du MDS, ainsi que la cessation des poursuites et l'annulation des condamnations qui sont exigées.
Ce pouvoir qui chante les louanges de la jeunesse à l'occasion du 5 juillet, ne semble en vérité la voir responsable que devant les juges et lui refuse la possibilité de s'engager là où le coordinateur du MDS œuvre à réhabiliter le politique.
D'un côté Abdelmadjid Tebboune préside une cérémonie de remise de grades dans un Palais du Peuple confisqué, de l'autre Fethi Ghares partage le sort d'une jeunesse et de tout un peuple privés de liberté. D'un côté on célèbre le sacrifice de l'esprit, c'est à dire la poursuite pour délit d'opinion, de l'autre on honore l'esprit de sacrifice. D'un côté l'autocongratulation et l'autosatisfaction, de l'autre la critique et l'autocritique.
Dans cette ambiance délétère, des annonces publicitaires accompagnent les célébrations officielles. Les unes affichent "des couleurs gravées dans nos coeurs, d'autres expriment leur "admiration pour la lutte du peuple algérien" et les derniers présentent leurs meilleurs voeux de stabilité et de progrès", à côtés de placards qui rappellent qu'en " cette période particulière on s'occupe de votre repas" et que "l'audace gourmande" est plus que jamais à l'ordre du jour.
La dénonciation de tels appétits a amené mon camarade Fethi Ghares en prison en espérant que les algériens renoncent à scander : yetnahaw gaa. Le despotisme néolibéral adossé à la rente se trompe, comme hier le colonialisme se leurrait.
En ce 5 juillet que le pouvoir célèbre comme la restauration du système, il ne lui reste en réalité qu'à négocier lui aussi les termes de sa reddition. C'est le dernier 5 juillet qu'il célébrera, tous les autres seront consacrés à la souveraineté pleine et entière du peuple algérien.
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