Le Ministère de l’intérieur a décidé de mettre à exécution ses menaces contre le MDS et entame une démarche juridique pour l’interdire d’activité. Ce n’est pas vraiment une surprise. Il veut donner l’apparence du droit à un fait accompli. Sa démarche prolonge et amplifie l’arbitraire qui caractérise le pouvoir. Harcèlement policier et judiciaire, emprisonnement d’activistes et de cadres de partis, condamnations répétées, élaboration d’une liste des organisations terroristes, journaux qui ferment, associations suspendues, syndicalisme autonome persécuté, intellectuels mis régulièrement en accusation, instrumentalisation de tous les sujets pour hystériser le débat et le contrarier, la répression se déploie sur tous les terrains.
Le MDS est donc voué au sort commun. Tebboune finit à marche forcée la grande œuvre entamée par Bouteflika et fait exploser tous les cadres nés après octobre 88. La recomposition politique autoritaire menée par le pouvoir ne pouvait pas épargner le MDS tandis que les autres segments du Pacte de l’Alternative Démocratique sont tous soumis au despotisme : UDL, PST, RCD, PT, FFS…
Cette fébrilité du pouvoir n’est pas sans rappeler d’autres épisodes de ce long processus de recomposition entamé sous Zeroual avec la mise en œuvre d’une nouvelle loi sur les partis. A l’époque Ettahadi avait dénoncé son caractère bureaucratique et arbitraire et ne s’y était pas plié au moment de son application. Nahnah regrettait alors que la loi ne lui soit pas opposée avec rigueur. El Hachemi Chérif venait d’échapper à un «accident» lors d’une tournée à l’Est du pays, un camarade avait malheureusement succombé, et à son retour à Alger, le secrétaire général d’Ettahadi découvrait qu’un trou avait été creusé sous sa résidence, vraisemblablement pour y placer un engin de mort. Les méthodes de reconfiguration du paysage politique étaient plutôt expéditives en ces temps où le terrorisme islamiste justifiait bien des choses, sauf la prise en charge résolue du changement radical. Mais si l’histoire se répète toujours deux fois disait Marx, la première fois c’est sous forme d’une tragédie, la seconde sous forme d’une comédie.
C’est ainsi que le MDS se retrouve ce mois d’août 2022 sous la menace d’une dissolution et que l’épouse du coordinateur national et convoquée par la police et c’est donc une parodie de justice que nous propose le pouvoir. Il faut donc s’attendre à une décision expéditive. En 1997, Ettahadi avait eu une année pour se mettre en conformité avec la loi. C’est finalement ce qu’il fît. En 1998, il organisa le 1er mai des assises pour lancer la création du Mouvement Démocratique et Social, qui correspondait aux exigences de la nouvelle étape qui s’annonçait et que Zeroual allait ouvrir en annonçant sa démission au mois de septembre. Légalement il avait alors une année supplémentaire pour tenir son congrès constitutif. Ce congrès fût réuni en octobre 1999 et finalement le MDS obtint son agrément.
L’union dans les rangs permit au parti d’El Hachemi Chérif de faire face au défi de sa dissolution. En effet, malgré la démission d’un membre à la suite de divergences autour du refus de soutenir la candidature de Zeroual à l’élection présidentielle de 1995 et malgré le retrait, lors du congrès, d’une partie du secrétariat exécutif mise en minorité devant le conseil national sur cette question, les instances continuaient à fonctionner et la mobilisation fût exemplaire. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. Le bureau national du MDS n’a pas été réuni depuis plus d’une année, tandis que le conseil national n’a pas été convoqué depuis plus de trois ans. C’est par les réseaux sociaux que les membres de ses instances ont appris que le coordinateur avait reçu une convocation au tribunal administratif. Comme en 2007, lors de la crise qui avait suivi le décès d’El Hachemi Chérif, le ministère de l’intérieur profite des divisions au sein du MDS. Elles ont atteint un tel degré que certains anciens militants souhaitent sa disparition, tandis que le premier responsable a changé les serrures du siège national et refuse de se réunir avec ceux avec lesquels il est en désaccord. Ceux qui refusent de se tendre la main, les uns les autres, tendent finalement la main au ministère de l’intérieur. Et c’est plus un signe de désarroi ou d’inquiétude que de résolution.
L’esprit démocratique peut néanmoins encore l’emporter, aussi bien face au pouvoir que contre les démons intérieurs du MDS. L’Algérie est promise à une nouvelle accélération politique qui emportera non seulement les tentatives de restauration du système, mais aussi les divisions que nourrissent certaines illusions liées soit à la nostalgie d’un parti aujourd’hui disparu soit à la fuite en avant par foi en un destin personnel découplé de l’avenir collectif. En conséquence, le 22 février 2019 ne sera pas la dernière surprise de ceux qui croient encore que le hirak aura une représentation unique ou de ceux qui croient pouvoir triompher du système en niant l’existence d’un courant progressite, dont le PAD est une anticipation et d’un courant national-populaire dont le rejet maladroit du despotisme ne doit pas masquer le caractère démocratique.
Dans la recomposition inéluctable du champs politique, le MDS a encore un rôle à tenir : ancrer les forces progressistes le plus à gauche possible et les inscrire positivement dans les nouvelles contradictions qui émergent déjà. Ce n’est que faute de s’y atteler avec détermination et conséquence qu’il pourrait disparaître, laissant alors place à une nouvelle force qui mènera les tâches qu’il aurait échoué à prendre en charge. C’est ainsi que dans ce courant historique, nous sommes passés du PCA à l’ORP/PAGS, puis à Ettahadi et au MDS, par un mouvement ininterrompu de continuité et de rupture, visant à adapter en permanence l’outil aux exigences de la lutte et à articuler en permanence le parti au front. Souder les rangs du MDS et l’élargir, renforcer le hirak en structurant les deux grands courants qui ont surgi en son sein, voilà les véritables tâches pour lutter contre le despotisme néolibéral adossé à la rente. Elles permettront de surmonter les péripéties judiciaires imposées par le ministère de l’intérieur, en assurant le triomphe de l’Algérie démocratique et sociale.
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