Il y a vingt ans éclatait le Printemps noir en Kabylie, des émeutes nées de la mort d'un lycéen, Massinissa Guermah,dans les locaux de la gendarmerie, réprimées dans le sang par le régime.
Une révolte au nom de l'identité berbère, pionnière de la contestation dans la rue. Il culmine le 14 juin 2001 avec une immense manifestation à laquelle participent deux millions de Kabyles et de personnes ralliées derrière un ensemble de revendications (Selon les estimations).
14 juin 2001, cette date est gravée dans nos mémoires. Marquant l’histoire du printemps noir, cette journée avait fait suite au massacre perpétré en Kabylie par le pouvoir. Abdelaziz Bouteflika en début de règne, son Premier ministre Ali Benflis, le sinistre ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni et le commandement de la gendarmerie nationale venaient de réprimer dans le sang la révolte de jeunes manifestants exprimant leur colère suite à la mort par balles d’un jeune lycéen, Guermah Massinissa dans une brigade de gendarmerie le 18 avril 2001.
En 4 jours - du 25 au 28 avril 2001- de répression d’une rare violence notamment à Oued Amizour, dans la wilaya de Bejaïa, une cinquantaine de personnes seront tuées par balles, parfois de type explosif visant les parties vitales du corps (les rapports médicaux faisant foi), ce qui n’a pas gêné l'un des responsables d'expliquer que l'usage des balles réelles était lié simplement au manque de balles en caoutchouc. 129 personnes au total seront tuées, plusieurs milliers seront blessées parmi lesquelles certaines resteront mutilées et handicapées à vie.
Ce devait être un jour de manifestation pacifique, le pouvoir en décida autrement. Ce jour là, 14 Juin 2001, une marche pacifique, se met en branle entre la Kabylie et la capitale, Alger. Les meneurs veulent remettre au gouvernement un document contenant une quinzaine de revendications, baptisée la plateforme d’El Kseur. Celui-ci déborde les questions autonomistes kabyles et touche d'autres demandes : redéfinition du cadre démocratique algérien, amélioration de la justice sociale et de la situation économique, reconnaissance de Tamazight comme langue officielle, etc. Cependant, la violence éclate. En utilisant les moyens les plus impitoyables, la répression la plus féroce. En libérant des voyous pour les lâcher contre les jeunes venus exprimer des positions politiques qui auraient pu rassembler en d’autres temps tous les Algériens. Retors, machiavélique, le pouvoir a brisé l’élan populaire, l’espoir d’une jeunesse qui espérait un meilleur avenir. Les deux millions de Kabyles ont été accueillis ce jour-là par des milliers de policiers. Dès les premières heures de la journée, une répression féroce eut lieu dans les rues d’Alger. On assista à une véritable chasse au Kabyle. Des magasins pillés ? Ce sont les manifestants kabyles, relayera la très officielle ENTV dans son JT de 20H. Il y a eu des morts ? Là aussi les coupables sont désignés par la télé publique : les manifestants kabyles.
Ce jour-là du 14 juin 2001, l’innommable fut commis contre une des plus formidables organisations pacifistes de l’Algérie indépendante. Le régime se trouve désormais face à un risque d'extension du mécontentement en dehors de la Kabylie, comme ce fut le cas à Khenchela. De plus, les marcheurs ne peuvent rencontrer le président déchut Abdelaziz Bouteflika.
Au lendemain de la marche historique organisée par le mouvement citoyen de Kabylie afin de remettre la plateforme de revendications au chef du gouvernement de l’époque, Ali Benflis, chef du gouvernement, a signé la décision qui prive les Algériens de toute manifestation dans leur capitale politique. Ali Benflis apparaît au soir de ce 14 juin 2001 sur l’unique chaîne de la télévision algérienne le visage grave. Sa tristesse est indescriptible. Même durant les années noires du terrorisme, aucun responsable algérien n’avait exprimé autant de mélancolie. Le chef du gouvernement, dans un discours à l’hitlérienne, avait qualifié les manifestants pacifiques Kabyles de “terroristes”. Il a immédiatement annoncé l’interdiction définitive de toute sorte de manifestation à travers tout le territoire de la wilaya d’Alger, en remerciant les délinquants qui ont sauvagement agressé et pillé les commerce de certains quartiers d’Alger. Une décision prise à la hâte et sans aucune consultation, comme si Ali Benflis n’attendait que la moindre occasion pour interdire aux démocrates de s’exprimer. Des violences d'une moins grande intensité perdurent en 2002. • « Le pouvoir est prêt à tout pour entraîner le pays dans la guerre civile», écrit alors El Watan. • « Le dérapage d'Alger a creusé le fossé entre le pouvoir et ses contestataires », remarque le Quotidien d’Oran. Et lorsque les événements leur ont échappé, le régime et ses alliés se sont réfugiés dans une abominable fuite en avant, s'engageant de plus en plus aveuglément dans des politiques sécuritaires et éradicatrices à très courte vue. Entre-temps, des richesses énormes étaient dilapidées et des capitaux étaient expatriés par millions de dollars. La population, prise dans l'étau, vivait, elle, dans la terreur, le chômage et le rêve de quitter un jour leur pays envahit les jeunes. Les Algériens, jeunes et moins jeunes, paient aujourd'hui pour ces erreurs stratégiques, dont les autorités actuelles prétendent n’être nullement responsables!
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