Depuis une semaine, des manifestations hostiles aux mesures de confinement, décidées récemment par le gouvernement pour lutter contre le Coronavirus, ont éclaté à travers le pays.
Alors que l’Europe amorce un retour progressif à la normale, le gouvernement algérien, lui, a décidé de durcir les mesures en annonçant la prolongation du confinement jusqu’au 13 juin, ce qui a suscité des réactions de colère et d’incompréhension.
Depuis une semaine, des manifestations hostiles aux mesures de confinement, décidées récemment par le gouvernement pour lutter contre le Coronavirus, ont éclaté à travers le pays. La plus importante s’est déroulée aujourd’hui à Bejaia, où des centaines de commerçants, pour la plupart sans masques, se sont massés devant le siège de la wilaya. Ce rassemblement intervient sur fond de critiques des autorités sur l’absence des dispositifs d’aide à la population, commerçants et artisans notamment, durement impactés par trois mois chômés. «Nous accumulons les charges, le loyer, les salaires de nos employés depuis trois mois, sans qu’aucune solution ne soit trouvée pour y palier», s’indignent-ils au caméra de l’Avant-Garde Algérie qui a couvert l’action de protestation.
Bien qu’une rencontre avec un représentant des autorités locales a eu lieu en fin de matinée, les commerçants de Béjaïa ont pris à l’unanimité la décision de rouvrir, bravant ainsi ouvertement les mesures qui leur sont imposées par un pouvoir jugé «inique». Cette action qualifiée par certains de «désobéissance civile» marque-t-elle un retour progressif du Hirak ?
Décision sanitaire ou politique ?
S’abritant derrière les recommandations du comite scientifique, le gouvernement décide de prolonger le confinement jusqu’au 13 juin. C’est du moins ce que pensent nombre d’observateurs qui avancent que cette décision est «purement» politique. «La décision de prolonger le confinement partiel n’a aucun sens du moins que le plan scientifique», soutient Dr Daoui. Il explique en effet qu’«il aurait été plus judicieux de décider d’un confinement total, pendant une période limitée dans le temps, si on veut vraiment éviter la propagation du virus».
Zoheïr Aberkane, journaliste et témoin du Hirak, pense de son côté que «l'étirement du confinement n'obéit pas qu’à des critères sanitaires, mais procède d'une volonté manifeste des pouvoirs publics de différer le retour du hirak». «Ce retour leur fait tellement peur au point où depuis 3 vendredis un dispositif policier imposant est déployé à Alger», assure-t-il pour lavant-Garde Algérie. Et de continuer : «cette dernière prolongation n'avait en principe aucune raison scientifique ou sanitaire dès lors que dans les faits, il y a un relâchement dans le confinement. Des personnes et des voitures circulent pendant les heures de confinement. Le pouvoir a même autorisé deux rassemblement pour de deux formations politiques, le FLN et RND, dans un espace clos, espace idéal pour les contaminations.» Pour notre interlocuteur : «les tenants du pouvoir misent sur un dé-confinement au bord de l'été espérant que l'esprit "vacances" prendra le dessus sur la reprise du hirak». «Leur préoccupation essentielle ce n'est pas tant la reprise du hirak, mais une reprise en sous-effectifs, afin de discréditer le mouvement. Sauf que le Hirak est imprévisible», analyse-t-il.
Kaci Tansaout, président du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), abonde dans le même sens, affirmant pour sa part que «pendant ce confinement, des dizaines d’activistes ont été convoqués par la police dans plusieurs wilaya du pays». «Plus de 120 personnes ont été convoquées par la police et 32 ont été placées sous mandat de dépôt depuis la décision de surseoir aux marches annoncée par l'ensemble des collectifs après la marche du vendredi 13 Mars», indique -t-il . Et de poursuivre : «pendant toute cette période et devant l'absence de l'État, on a constaté que les Hirakistes se sont constitués en comités de bénévoles, soit pour venir en aide aux hôpitaux et structures de la santé soit aux familles nécessiteuses. Mais avec le temps, ça s’est compliqué vu que le gouvernement n'annonce que le prolongement du confinement à chaque fois, sans aucune prise en charge des citoyens, ce qui risque de mener vers une explosion sociale similaire à celle d'octobre 88. La majorité des acteurs de la révolution populaire et tout simple citoyen s'interrogent sur l'efficacité d'un confinement partiel ou d'un couvre-feu.» Et pour preuve, selon lui, «la présence d'un dispositif sécuritaire important, vendredi 29 mai dernier, dans la capitale et sur l'autoroute entre Bouira et Alger, à Mostaganem et Oran». «C’est la preuve que le pouvoir a peur d'un éventuel retour aux marches populaires. Sinon comment expliquer qu’on tolère la tenue des deux congrès FLN et RND ce week-end à Alger alors que tout rassemblement ou réunion et activité publiques sont interdits ?», dénonce-t-il.
Pour Walid Kebir, il y a une réelle volonté de pousser vers le pourrissement. «Il s’agit d’une stratégie visant à falsifier la vérité en faisant croire que les revendications des algériens sont d’ordre social et non politique. Ils veulent pousser la population vers la violence pour pouvoir sévir sans en être inquiétés», assure-t-il.
Il va sans dire que cette démarche s’inscrit dans la continuité de la chasse aux militants, aux activistes et aux journalistes, et la crise sanitaire du coronavirus était l’occasion «inespérée» pour cela.
«Ils pourront tenter de circonscrire le Hirak l'été, mais pourront-ils l'éviter à la rentrée sociale?», s’interroge Zoheïr Aberkane.
«Tôt ou tard, la révolution populaire (Hirak) reprendra quelque soient les décisions qui seront annoncées par le pouvoir», affirme, quant à lui, Kaci Tansoaut.
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