Ahmed Gaïd Salah est décédé. Cet homme, 79 ans, fut pour le régime le visage qui s’est imposé depuis avril dernier lorsqu’il se retournera contre l’ancien Président qu’il a durant des années soutenu, et ordonnera son retrait. Le général devient alors le commandant en chef, reléguant Abdelkader Bensalah, chef d’État par intérim, à une simple marionnette.
Si la révolution du 22 février n’a pas atteint, jusque-là, ses objectifs, c’est à cause de Ahmed Gaïd Salah qui a constitué pendant des mois «un rempart» pour la sauvegarde du régime et sa pérennité. Le général a imposé une «sortie de crise» à travers ce qu’il qualifiait la «voie constitutionnelle» c'est-à-dire à travers l’organisation des élections présidentielles. Or, tout le monde sait que ces élections n’allaient jamais être transparentes. D’un Panel de dialogue décrié, à une autorité des élections constituée d’anciens figures du régime, jusqu’à l’élection du 12 décembre rejetée par la majorité du peuple, Gaïd Salah a tout fait pour garantir «un changement dans le régime». La preuve, c’est un des fidèles, Abdelmadjid Tebboune, qu’il a fini par choisir le poste de Président de la République.
Avec son décès, ce lundi 23 décembre suite à «un arrêt cardiaque», selon la version officielle, plusieurs questions se posent désormais, pour l’avenir du Hirak. Comment le nouveau chef d’État-major de l’armée, le général-major Saïd Chengriha, va-t-il réagir face à la poursuite des marches populaires pour le départ du régime. Sa nomination à ce post «par intérim» comme l’a précisé un communiqué de la Présidence de la république, sous-entend-il qu’il y aura dans les prochains jours un nouveau chef d’État-major ?
Pour Abdelmadjid Tebboune qui doit son intronisation au palais d’El Mouradia à Gaïd Salah, cette mort vient-elle le libérer d’un lourd fardeau et le renforcer face aux généraux qui composent le haut commandement de l’armée ? Quels seront désormais les rapports de forces dans les hautes sphères du régime ?
Selon des observateurs, Chengriha est un militaire opérationnel, connu pour sa rigueur, et ayant beaucoup travaillé dans la lutte antiterroriste, n’a aucune arrière pensée politique. Est-ce la fin de l’alliance entre le militaire et le politique et verra-t-on l’armée rentrer carrément dans les casernes ? Les réponses à toutes ces questions, auront à coup sûr une incidence sur le Hirak et la poursuite de la révolution du 22 février. D’abord il faudra se demander si la justice, particulièrement le Tribunal de Sidi M’hammed, qui emprisonnait suivant les ordres de Gaïd Salah, se libèrera pour rétablir les détenus d’opinion dans leurs droits. Avec une éventuelle libération des Bouregâa, Tabou, Boumala, Belarbi, Addad et Fersaoui, pour ne citer que ceux-là, le Hirak ne peut que reprendre de plus belle.
Une chose est sûre, le seuil des revendications n’est pas appelé à baisser, car il s’agit comme toujours du départ du régime en place. Tebboune, mal élu d’une élection truquée sera-t-il épargné le temps d’organiser une transition démocratique ? Ou sera-t-il le premier à faire les frais de la subite disparition de Gaïd Salah ? À moins d’une autre immixtion, directe ou indirecte, de l’armée dans les affaires politiques, le chef de chef de l’État se retrouvera seul face au Hirak.
Il y a aussi l’appel au dialogue. D’habitude, le régime fait en sorte de mobiliser des interlocuteurs pour ce genre de "kermesses", surtout parmi ceux sur lesquels il détient des dossiers compromettants. Quelle attitude adopteront désormais ces clients du régime maintenant que l’homme qu’ils craignaient est parti ? C’est dire que le moindre changement dans la doctrine de l’armée et de son nouveau chef d’État-major influera directement la suite des événements, notamment le feuille de route du Président mal élu, Abdelmadjid Tebboune. Seuls les jours avenir apporteront des éléments de réponses.
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