La répression, les arrestations et l’incarcération des manifestants et militants se sont accentuées ces dernières semaines. Avez-vous une explication à cette augmentation de la violence à l’égard du peuple pacifique ?
Nous dénonçons ces arrestations, surtout celles orchestrées contre des citoyens venus exprimer leur rejet de la prochaine élection, déjà disqualifiée par l’ensemble du peuple. Alors qu’au même moment, nous constatons des déplacements timides des candidats avec escorte policière. Donc, la police protège ces candidats, d’un côté, et réprime violemment, d’un autre, des manifestants pacifiques. Ce que nous pouvons facilement déduire, c’est que le pouvoir en place, où le chef d’État-major en personne, cherche à tout prix de rendre la situation incontrôlable et de faire perdre à la révolution son caractère pacifique à travers des affrontements entre citoyens et forces de l’ordre. Ils tentent de faire recours à l’instauration de l’État d’exception, tant recherchée par Gaïd Salah, puisque c’est la seule issue qu’il lui reste pour annoncer l’annulation de l’élection déjà discréditée par l’écrasante majorité des Algériens.
Combien y a-t-il de prisonniers politiques et d’opinion ? Et quelles sont les conditions de leur incarcération ?
Sincèrement, nous n’arrivons plus à préciser le nombre exact de détenus d’opinion et politiques car depuis juillet dernier, ni la police, ni les tribunaux ne communiquent sur les arrestations. Ce sont les activistes ou les avocats, voire même des membres de la famille des personnes arrêtées, qui nous les signalent, parfois-même après quelques jours d’incarcération, surtout dans les wilayas du centre. Nous savons que le chiffre dépasse les 200 personnes arrêtées et emprisonnées depuis le 21 juin à ce jour. Concernant leurs conditions d’incarcération, elles sont catastrophiques. Il y a des militants mis en isolement à l’image de Karim Tabbou (prison de Koléa) et des militants de RAJ dont Abdelouahab Fersaoui et Hakim Addad. Le dernier scandale fut l’évacuation de Lakhdar Bouregaa de la prison d’El Harrach vers l’hôpital Mustapha Pacha où il a subi une intervention chirurgicale sans informer sa famille et ses avocats. Sinon, il faut rajouter à cela, la surcharge des cellules et le calvaire vécu par les détenus durant l’été avec le manque d’eau potable.
Quels conseil pouvez-vous donner aux manifestants et militants dans ce contexte de répression un peu particulier et à l’approche de l’élection présidentielle ?
Cette élection projetée pour le 12 décembre est disqualifiée d’office par l’écrasante majorité des Algériens. Même ceux qui l’ont programmé savent parfaitement que le peuple a décidé d’aller jusqu’au bout. Ils savent parfaitement qu’il n’y aura pas d’un coup de force électoral. Il faut rester vigilant et déterminés, durant ces moments délicats. Nous sommes au 9ème mois de la révolution qui continue à émerveiller le monde par son caractère pacifique. Nous devons rester unis, pacifiques et surtout mobilisés pour réussir ce que nous avons déjà entamé depuis le 22 février, à savoir le changement radical du système et une période de transition qui va mettre les bases d’une nouvelle Algérie. En restant dans le caractère pacifique, nous devons nous préparer à d’autres actions (des appels sont, déjà, lancés pour une grève générale massive, concernant tous les secteurs d'activités publics-privés, entreprises, commerces, éducation, universités.) Une grève d’une semaine avant le 12 décembre, conjuguée à des marches pacifiques, est à préparer partout. Il faudra installer un rapport de force qui rendra totalement illégitime l’élection.
Le CNLD fait un travail remarquable en terme de collecte et de diffusion de l’information sur les détenus. Comment travaillez-vous ?
Au CNLD, nous avons arrêté un principe depuis la création du Comité, celui d’alerter l’opinion publique nationale et internationale sur toute arrestation ou interpellation ou dépassement. Dans plusieurs régions du pays, ce sont les gens qui nous contactent souvent, soit par téléphone ou sur la messagerie du CNLD afin de nous transmettre les informations. Ce travail est aussi accompli par les avocats et les activistes. Il y a aussi nos amis du réseau de lutte contre la répression qui font un travail remarquable, que ce soit pour la collecte d’information ou la solidarité avec les familles. Le CNLD est composé de trois commissions : communication, solidarité et juridique. Chacune d’elle est gérée par plusieurs membres qui travaillent conjointement avec les autres commissions. Ces derniers collaborent avec les avocats qui font un travail exceptionnel depuis début juin (avant même la création du CNLD) pour assurer la coordination et le lancement des alertes. Nous nous réunissons souvent afin d’évaluer la situation et prendre les décisions adéquates en concertation avec les familles des détenus, les avocats et d’autres collectifs. Ce que nous faisons est le fruit d’un travail collaboratif avec l’ensemble des forces vives qui œuvrent pour la défense des droits humains et des détenus. Nous sommes soutenus par la presse que nous remercions au passage pour avoir relayé nos actions et médiatiser tout ce que nous faisons.
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