Après des mois de suspense caractérisé par un mutisme pour le moins complice à toutes les décisions du pouvoir en place et de son véritable détenteur, en l’occurrence le chef d’État-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), proche de la confrérie des "Frères musulmans", tranche et décide de ne pas se mêler à la mascarade électorale du 12 décembre.
Le Bureau exécutif du parti islamiste ne soutiendra aucun des candidats à la présidentielle. «En application de la décision du conseil consultatif tenu le 29 septembre 2019 et dans le cadre de dérogation au Bureau national exécutif, de prendre toutes les mesures y afférent, et après concertation élargie au niveau des instances consultatives et instances exécutives de wilaya, le Bureau national affirme que le mouvement ne soutiendra et ne votera pour aucun des cinq candidats», déclare le président du MSP, Abderrezak Makri, dans un communiqué laconique publié dimanche 8 décembre. En adoptant cette décision, le parti islamiste qui, faut-il l’admettre, dispose d’une certaine base militante au sein de la société, tourne officiellement le dos au pouvoir avec lequel il a toujours cohabité. Un coup dur pour les promoteurs de la sortie de crise par l’organisation de l’élection présidentielle.
Il est vrai que parmi les cinq candidats, l’un d’entre eux, Abdelkader Bengrina est un islamiste. Mais, le président du mouvement El Bina (La construction), ne fait pas le poids devant le MSP de Makri, voir même devant le parti Adala (Front pour la justice et le développement) de Abdallah Djaballah.
Jusqu’à 2012, les islamistes du MSP ont composé avec le FLN et le RND autour de l’Alliance présidentielle qui formait alors un bloc politique autour du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Mais, le divorce ne les a jamais ramenés dans l’opposition radicale au régime. Les "frères musulmans" d’Algérie avaient toujours un pied dans le pouvoir et l’autre dans l’opposition.
En novembre 2018, Makri a rencontré secrètement Saïd Bouteflika, frère conseiller du Président à l’époque. L’état de santé de ce dernier ne permettait pas une rencontre entre lui et le chef islamiste comme l’a souhaité Makri. Paradoxalement, quelques semaines après, c’est le patron du MSP en personne qui proposa rien de plus que le report de la présidentielle initialement prévue pour avril 2019, d’au moins une année, pour, avait-il expliqué, dépasser la crise. Mais, en réalité, le problème résidait dans l’absence d’un consensus en haut lieu, autour de la candidature ou non de Bouteflika, pour un 5e mandat. La proposition de Makri était une sorte de «bouée de sauvetage» au régime finissant. D’ailleurs, les partis de l’allégeance ne s’étaient pas opposés à l’idée qui allait même faire son chemin.
C’est dire que pour l’élection du 12 décembre, le pouvoir a un soutien en moins dans la liste, ne serait-ce que pour gonfler le taux de participation. À moins qu’officieusement, les militants de la base du MSP jouent le jeu du régime. D’ailleurs, le Bureau exécutif n’a pas appelé clairement au boycott. Un détail non négligeable …
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