Tout ce qu’a évité le mouvement populaire dans les autres wilayas est arrivé, hier, à Bouira. Mais la situation était prévisible. Le nombre des manifestants poursuivis, agressés ou emprisonnés en marge des sorties électorales de Ali Benflis dépasse de loin celui de ses partisans qui ont assisté à ses meeting. Le nombre a été aggravé, hier, à Bouira, avec plus d’une soixantaine de blessés dont cinq en situation très grave. Plusieurs manifestants ont été interpellés. Ils n’ont été libérés que tard la nuit, vers 20h.
Écrasé par un véhicule de la police, «un manifestant a perdu une jambe», témoignent des militants qui ont assisté à l’incident. Selon ces témoins oculaires, la victime, en situation très critique, a été transférée en urgence vers l’hôpital Mohamed Boudiaf, au centre-ville de Bouira. «Le manifestant dont la jambe a été amputée a été directement admis au bloc opératoire. Nous n’avons pas pu avoir plus d’information sur lui. Sa famille n’était pas sur place pour nous renseigner davantage sur sa situation», affirment-ils. Déplacés ce matin au même hôpital, ces militants assurent qu’«ils ne l’ont pas trouvé sur place». «Il nous a été dit qu’il a été transféré à Alger», rapportent-ils.
Quatre autres manifestants se sont trouvés dans la même situation. «L’un d’eux, touché à l’œil par une bombe à lacrymogène, a carrément perdu cette dernière. Un autre a eu l’épaule déboîtée. Ils sont quatre en tout. Ils ont été transférés, hier, à Alger», confient-ils.
Tout a commencé dès l’annonce de la visite de Ali Benflis dans cette wilaya. Plusieurs manifestants des différentes régions de Bouira se sont partagés l’information. Un appel à mobilisation a été lancé. Le premier groupe s’est rassemblé vers 8h du matin sur l’esplanade jouxtant la maison de la culture, Ali Zamoum, où le meeting était prévu. Ce groupe de manifestants a été visité dispersé par la police. Toufik, le frère du détenu d’opinion Nabil Alloun, originaire d’Ahnif, du sud-ouest de la wilaya, a failli être interpellé si ce n’est l’intervention des manifestants qui l’ont protégé.
Les foules n’ont pas tardé à envahir le centre-ville, ce qui a poussé les autorités à fermer toutes les issues qui mènent vers la maison de la culture. La route a été, même, barrée aux riverains qui habitent aux alentours, ce qui a provoqué la colère des résidents. Déterminés, les centaines de manifestants voulaient à tout prix interdire le meeting de Ali Benflis et affirmé leur rejet catégorique de l’élection présidentielle que tente d’imposer Gaïd Salah.
Les choses ont failli dégénérer, racontent ces militants, lorsque des manifestants se sont impatientés devant l’insistance des forces de l’ordre à faire réussir le meeting de Ali Benflis. La situation a été vite contenue, quand d’autres manifestants ont intervenu pour calmer les esprits, appeler à respecter la caractère pacifique du mouvement populaire et ne pas tomber dans le piège du pouvoir qui tente de pousser les choses au pourrissement.
«Ali Benflis est arrivé à Bouira vers 15h30. Il a pu accéder à la maison de la culture par la porte de derrière. L’information est parvenu aux manifestants, qui n’ont même pas eu le temps de réagir. Soudainement, des pierres ont été projetés vers les manifestants par des agents en civils, cachés derrière les policiers. Ces derniers ont renforcé l’attaque par des tirs de bombes à lacrymogène. Cette situation a créé un grand mouvement de foule. Et le pire est arrivé», témoignent les mêmes militants.
Notre contributeur qui couvrait l’événement sur place nous a informé qu’«il lui a été impossible de continuer à filmer». «Nous sommes asphyxies par le gaz des bombes à lacrymogène. Quatre personnes sont déjà blessés», assure-t-il. Sauf que la situation s’est empirée. Des émeutes ont déclenché entre les manifestants et les forces de l’ordre. «Les affrontements ont fait une soixantaine de blessés du côté des manifestants et plusieurs autres de la police», confient les militants.
Pour calmer les esprits, les militants ont fait circuler l’information de l’annulation du meeting de Ali Benfils, ce qui était faux. Insoucieux, ce dernier a bel et bien tenu son action politique mais pas dans la grande salle comme cela a été annoncé. «À cause du nombre très faible de l’assistance, venue le voir, Ali Benflis a fini par tenir son meeting dans la petite salle de la maison de la culture. Seuls quelques partisans ont assisté avec une poignée de vieux ramenés de la maison de vieillesse», affirme un journaliste local.
Les affrontements se sont arrêtés vers la fin de l’après-midi, après avoir annoncé la libération de toutes les personnes interpellées. Un Sit-in a été organisé devant le commissariat central pour cet objectif. Plusieurs personnes et militants ont fait le déplacement vers l’hôpital pour s’enquérir de la situation de blessés. Sur les réseaux sociaux plusieurs appels ont été lancés, notamment par les activistes et militants de la région, afin de calmer les esprits et convaincre les habitants de ne pas répondre aux provocations des forces de l’ordre et du pouvoir.
Dans la nuit, un groupe de bénévoles a investi la ville et nettoyé l’endroit où les échauffourées ont eu lieu.
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