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Publié le : 30 Octobre, 2019 - 13:55 Temps de Lecture 4 minute(s) 2211 Vue(s) Commentaire(s)

Menad Si Ahmed, climatologue : lettre ouverte à Mme la députée européenne des Verts, d’origine algérienne, Karima Delli

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J'aimerais tout d'abord dire en avant propos, que je suis climatologue et que je réagis en tant que tel. Je suis de ceux qui effectivement déclarent que notre planète est en danger de subir un déséquilibre désastreux pour son avenir. Sauf que ma conviction est nourrie par ce que je sais de la science du climat qui comme vous devez vous en douter est éminemment complexe et que je considère que certaines déclarations teintées d'arguments scientifiques légers sont loin d'être des certitudes inattaquables et je vais tenter de m'en expliquer.

En effet, il ne fait pratiquement aucun doute que notre climat est en train de changer parce que tout simplement on a changé le visage de la planète de par toutes les activités humaines qui perturbent fortement des équilibres que l'on considérait jusque-la inébranlables. Je me contenterai de donner quelques exemples pertinents et liés à ce que j'appelle «la construction» d'un climat, à savoir, en priorité, la disparition en un siècle de la couverture forestière mondiale de plus d'un tiers. Or, la foret joue un rôle éminemment et important dans un climat au travers notamment un paramètre fondamental qui est celui de l’albédo ou la réflexion des rayons solaires sur la surface de la planète. Or, comme souligné plus haut cette couverture a diminué de plus de 30% et par voie de conséquence, l'albédo global a changé .

Un autre paramètre tout aussi fondamental est représenté par les réactions physico-chimiques au niveau de la planète qui ont fondamentalement changé par les diverses pollutions globales (de l’atmosphère, des océans, des terres), des déchets dont beaucoup sont dangereux de plus en importants et qui provoquent des réactions physico-chimiques dont nous avons la peine de cerner tous les contours. Ces réactions ont leur impact sur un climat qui est dynamique et réagit a l'ensemble des paramètres composant notre planète. La pollution des océans (y compris les plastiques non biodégradables) modifie les profils dynamiques et influencent les grands courants marins célébrissimes tels que le Gulf Stream , El Nino, El Nina qui laissent une empreinte sur le climat (ouragans, cyclones, inondations désastreuses comme les moussons des tropiques).

La perte de biodiversité alarmante a également un impact direct sur le climat qui comme vous le savez interagit sur le vivant, la surexploitation des ressources naturelles (un récent rapport nous indique que nous sommes entrés dans une phase où l'on consomme plus de ressources qu'il ne s'en régénère...) et qui influence un climat très sensible à ces variations (tout climatologue qui se respecte vous le confirmera).

Je pourrais vous donner d'autres exemples à profusion pour vous démontrer que pointer du doigt les seules émissions de gaz à effet de serre est un leurre mais pire un raccourci dangereux. Faire croire qu'il suffit de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pour sauver la planète est trompeur et cynique. Notre planète est malade de toutes ses activités humaines y compris des guerres larvées qui existent ici et là et les destructions des écosystèmes qu'elles entraînent sans parler des pertes en vie humaines, car l'humain au cas ou vous l'avez oublié fait également partie intégrante de notre planète.

Je peux vous donner des indicateurs incontournables de quantités énormes de produits chimiques très dangereux déversés au cours des bombardements des armées occidentales et qui détruisent la couche d'ozone et créent des conditions physico-chimiques et de déséquilibres régionaux, alors que les conventions mondiales sur l'environnement sont justement négociées pour les combattre. Revenons à l'esprit du Sommet de Rio, tenu en 92 où tous les problèmes de la planète avaient été mis en avant y compris la dette extérieure des pays en développement (plutôt sous-développés) qui empêchent aux populations de ces pays de gérer d'une façon rationnelle leurs ressources naturelles au lieu de les brader avec des prix fixés par les bourses de Chicago, New York ou Londres.

Madame, vous voulez déclarer l'urgence climatique, déclarez plutôt l'urgence planétaire car c'est bien à ce niveau que se joue son avenir. Sur un tout autre registre, je me rends compte que vous êtes d'origine algérienne et j'en suis fort aisé étant moi-même d'origine algérienne et à mon grand regret, je me rends compte que vous avez lancé des pétitions pour l’Égypte, le Venezuela, la frontière américano-mexicaine, Hong Kong, Russie/Ukraine, Nord est de la Syrie etc. Et c'est tout à votre honneur sauf que vous ne soufflez aucun mot sur votre pays d'origine l'Algérie et vous rejoignez dans le silence coupable tous les gouvernements occidentaux, les parlements y compris européens et bien d'autres alors que les éventements en Algérie sont d'une extrême gravité, gouvernée par une dictature militaire pure et dure et d'un autre temps.

Une dictature qui enlève, emprisonne tabasse, réduit les espaces de liberté, impose un blocus sur la capitale, muselle les médias, met aux ordres la justice, crée un climat de terreur, brouille les communications internet, surveille les pages Facebook de simples citoyens etc... Et vous ne trouvez pas ne serait-ce qu'un seul mot de compassion envers un peuple (votre peuple) qui veut se libérer d'un carcan qui l'étouffe, qui veut se débarrasser d'une bande de voyous, de voleurs, de criminels et d'assassins. Pourquoi ce silence Madame, alors que votre qualité de députée vous aurait plutôt permis d'interpeller le parlement européen sur la situation plus que préoccupante en Algérie. Ou attendez-vous que le sang coule pour nous dire «je ne savais pas». Donnez un sens à votre combat qu'il soit de sauvegarder la planète à sa juste mesure au lieu de faire écho à des slogans qui sont loin d’être innocents (et je suis prêt à vous révéler les dessous des changements climatiques) et à jeter ne serait-ce qu'un clin d’œil sur le peuple peuple algérien qui souffre.

Menad Si Ahmed, climatologue Vienne, Autriche

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