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Publié le : 07 Mai, 2020 - 22:15 Temps de Lecture 4 minute(s) 53623 Vue(s) Commentaire(s)

Walid, Sanaa, Idir puis Boualem Djouhri : jusqu’à quand la justice restera-t-elle sourde à ces attaques haineuses  ?

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Boualem Djouhri, docteur en théologie et directeur des affaires religieuses de la wilaya de Béjaïa, n’aura finalement pas été l’exception qui confirmerait la règle.

Dans une vidéo qu’il a postée sur sa page Facebook, oubliant le temps d’une soirée, la société dans laquelle il vivait, l’imam a rendu un hommage particulier mais surtout "original", à Idir, décédé le 2 mai dernier, à l’âge de 70 ans. Et quel plus bel hommage peut-on rendre à Idir que celui de le chanter!

Mais force est de constater que ce geste «louable» en somme pour beaucoup, a réveillé de plus belle les vieux réflexes tapis dans l’ombre et qui n’attendaient que cette occasion pour sortir et déverser leur venin. Car les faits sont quand-même têtus ! Alors que feu Idir avait affirmé, dans l’une des éditions du forum de Liberté, qu’il «était Musulman», même s’il n’avait pas à se justifier, sa mort et l’hommage qui lui a été rendu à travers toute la planète, aura permis de constater le climat délétère que les débats autour des «kabyles» ont encore une fois refait surface mais également à quel point les stéréotypes pouvaient avoir la vie dure.

En chef de file de la «horde», Abdelkader Dehbi, cet ancien agent des services de renseignements (MALG), adepte du FIS dissout, islamiste et raciste, qui dans un florilège vocabulaire répugnant, s’en est frontalement pris à l’imam. «Quand l’exercice d’une fonction publique se conjugue avec la connerie assumée sans complexes...Ce "crétin" qui pleure en dialecte kabyle son idole, "l'apostat" Idir... est censé être le Directeur des Affaires Religieuses de Béjaïa !...», s’est-il fendu dans un statut facebook avant d’exiger «son licenciement pour avoir trahi la confiance de sa fonction publique et son parti pris sectaire flagrant représenté par le deuil de l'athée Idir au nom du ministère des Affaires religieuses!». La teneur haineuse des commentaires sur les réseaux sociaux a choqué plus d’un, l’imam en premier. «Je ne m’attendais pas à cette polémique sur les réseaux sociaux. Car, je n’ai fait qu’exprimer ma tristesse et ma consternation suite à la disparition de notre grand artiste, Idir (que Dieu ait son âme). C’est notre idole depuis notre jeune âge. Il avait bercé notre génération et accompagné notre vie familiale des années durant», a déclaré Boualem Djouhri à nos confrères du journal Liberté. Avant de poursuivre : «je suis très fier de mon Algérianité, de ma religion, mais aussi de mes origines berbères. Personne ne peut me dénier mes droits identitaires.»

Ce fracas d’attaques et de critiques a cependant provoqué un sursaut dans l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux. Boualem Djouhri a, en effet, reçu d’innombrables messages de soutien dénonçant par la même occasion, la résurgence des réactions haineuses envers les kabyles en l’occurrence. Au milieu de ces innombrables voix, le réalisateur Bachir Derraïs qui a dénoncé la campagne de lynchage dont l’imam faisait l’objet tout en s’interrogeant «si nous sommes dans un pays de mollah ?». «Comme on a échoué à créer un projet de société et une nation, l'Algérie est considérée comme un pays en construction alors chacun a le droit de penser et d'exprimer les idées qu'il veut jusqu'à ce qu'on arrive à s'entendre sur un modèle de société adéquat pour toutes les composantes de la société algérienne, dans sa pluralité et sa diversité culturelle. Le système éducatif Algérien a produit des monstres!», dénonce le réalisateur sur sa page Facebook.

Ikhloufi Djamel, enseignant à l’université de Béjaïa, relève, quant à lui, que par sa tolérance et son ouverture vers les autres,«Boualem Djouhri dérange de plus en plus les islamo-sapiens et les imams dits du CCP», écrit- il, avant de lui exprimer son soutien indéfectible à Boualem Djouhri. La page Bejaia City ne manquera pas à l’appel, en écrivant ce message : «tout notre soutien à Chikh Bouaalam Djohri qui est entrain de subir une campagne de lynchache de la part des obscurantistes pour avoir rendu hommage à Idir. Vous représentez l'islam de la tolérance et de l'ouverture, l'islam le vrai. On est derrière vous monsieur M. Djouhri».

jusqu’à quand la justice restera-t-elle sourde à ses attaques haineuses ?

Depuis plusieurs années déjà, nous avons observé une montée du discours de haine inédite. Mais ces derniers mois, cette violence verbale sur les réseaux sociaux notamment, a pris des proportions telles qu’il en devient à dire que nous sommes face à un ensauvagement de notre société. Les exemples ne manquent pas. Walid Kechida, Sanaa Bendimerad, Boualem Djouhri, en savent quelque chose puisqu’ils ont fait les frais de cette haine que nous n’avions jamais vu auparavant.

La justice va-t-elle réagir pour autant? D’autant que le gouvernement Tebboune vient de faire adopter la nouvelle loi contre la discrimination et le discours de haine ? Le pouvoir en place est-il irrémédiablement incapable de gérer les débats de sociétés ? Ou profite-t-il de cette situation ? Arrivera-t-il un jour à contenir une polémique sans donner de bâton pour se faire battre ? Ou tout ce qu'il intéresse ce sont les voix discordantes qui le citriquent sur les réseaux sociaux ? Ces questions lancinantes et pleines de sous-entendus reviennent très souvent, en effet et plus encore depuis l’accession de Tebboune à la magistrature suprême. Pour l’imam, pour Sanaa, pour Walid, et pour toutes les victimes du discours de haine, bien des choses restent flous. L’opinion publique, quant à elle, n’arrive toujours pas à suivre le fil des évènements de ce film qui n’aura visiblement pas de fin.

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